SANTÉ
Québec laxiste avec les médecins, selon la VG
La Presse
QUÉBEC — Le gouvernement contourne les ententes pour les payer davantage et ne contrôle pas étroitement leurs facturations : les médecins québécois sont les chouchous du système.
Déposé hier à l’Assemblée nationale, le rapport de la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, fait une série de constats troublants quant à la gestion du ministère de la Santé à l’égard des 6 milliards d’honoraires annuels versés aux 16 000 médecins québécois.
« La façon dont les enveloppes budgétaires globales ont été conçues et administrées par le ministère de la Santé ne permet pas une gestion économique et transparente des fonds alloués à la rémunération des médecins », déplore le rapport.
416 millions
Somme versée en trop, au cours des cinq dernières années, aux médecins par le gouvernement, qui leur paie grosso modo 6 milliards par année
Les spécialistes se sont taillé la part du lion, récoltant 384 millions de ces dépassements. Pour les enquêteurs du bureau du Vérificateur général, le ministère de la Santé était parfaitement au courant de cette dérive, parce qu’il avait estimé la croissance des coûts de pratique à 2 % par année alors qu’il savait très bien qu’elle serait plutôt de 3 %.
Pire encore, l’entente avec les omnipraticiens prévoyait que les surplus, en partie, resteraient au gouvernement, mais sous la férule du président de leur fédération, Gaétan Barrette, les spécialistes avaient obtenu que les dépassements restent dans les enveloppes destinées aux honoraires des membres.
C’était pour le passé. L’avenir ne sera guère mieux. En acceptant d’étaler jusqu’en 2021 les augmentations de salaire consenties sous le gouvernement Charest, les médecins ont négocié des bonifications. Les contribuables ne bénéficieront jamais de l’économie de 394 millions qu’avait fait miroiter Québec lors de la signature de l’entente, fin 2014. Les sommes à étaler avaient été surévaluées de 148 millions, et au terme de l’opération les contribuables paieront chaque année 23 millions de plus par année aux médecins.
Pour inciter les médecins à être plus productifs, le Ministère voulait que ces derniers « prennent en charge 80 % » de leurs patients. Après négociation, la cible a été ramenée à 61 %, ce qui faisait en sorte que 99 % des médecins s’y conformaient – ils ont empoché les primes destinées aux mesures incitatives : 425 millions par année pour les omnipraticiens, 495 millions par année pour les spécialistes. À compter de 2015, la cible augmentera de 5 % par année. Sur 33 mesures incitatives, 30 ne comportaient ni cible ni indicateur de performance.
Environ 60 % des honoraires des médecins – c’est-à-dire environ 4 milliards – sont versés par la Régie de l’assurance maladie, pour les actes médicaux facturés. Or, l’organisme fait preuve de laxisme et ne contrôle pas suffisamment les factures qu’il paye. La vérificatrice a scruté les données concernant un échantillon de 321 médecins, soit 2 % des effectifs totaux, et a pu observer que certaines réclamations ont été réduites de 21 à 100 % par rapport aux montants approuvés à l’origine par la RAMQ.
Deux exemples : une réclamation de 337 000 $ s’est finalement réglée pour 100 000 $ ; une autre, de 106 000 $, s’est réglée pour 29 500 $. En tout, 40 % des réclamations déposées par les 321 médecins se sont réglées pour une somme inférieure de 15 % ou plus à celle qui figurait sur la facture initiale.
La RAMQ n’a pas de mécanisme pour déclencher des vérifications quand un médecin a un nombre de patients plus élevé que la moyenne. Certains ont jusqu’à 4000 patients, bien plus que la moyenne de 1200 du médecin lambda. Certains facturent des actes pour 90 patients par jour, et les fluctuations importantes de revenus, jusqu’à 200 % en un an, ne soulèvent pas de questions de la part de l’organisme payeur.